Cette journée était teintée de nuages noirs. L'air était lourd, l'orage crépitait au dessus de leurs têtes, comme annonceur d'une mauvaise nouvelle. Les regards inquiets que les guerriers jetaient au ciel noir n'échappaient pas à Étoile Damnée qui, lui, braquait le sien, emplit d'amertume à l'idée de l'annonce qu'il devait faire, sur le refuge des guerriers. Un long soupir lui échappa. Il n'avait vraiment pas envie de prendre la parole. Mais pourtant, tel était son devoir. En acceptant de devenir meneur, il s'était engagé à accepter les bons comme les mauvais moments. Les bonnes comme les terribles nouvelles.
Alors, lentement, son corps souple bondit sur le roc. Sa surface rugueuse, sous ses coussinets, laissait deviner ses irrégularités. Nouveau soupir.
"Félins du Clan du Silence !"
miaula-t-il finalement, d'une voix rauque et grave. Fini, le ton joyeux qu'il prenait parfois, lorsqu'il s'amusait avec les guerriers, avec les apprentis. Fini, le ton léger lorsqu'il félicitait quelqu'un. L'heure n'était pas à la joie. L'heure était aux pleurs. En silence, il regarda les guerriers, ses guerriers, se regrouper près du grand roc. Près de la pouponnière, il apercevait les petites silhouettes des chatons qui se frayaient un passage pour voir ce qu'il se tramait. Les anciens s'étaient rapprochés, afin d'entendre correctement.
À voir son visage, les félins comprirent que ce n'était pas une joyeuse nouvelle que leur meneur allait annoncer, et la gravité remplaça les expressions intriguées. Hésitation.
"Chats du Clan du Silence, aujourd'hui est un jour grave. Cela faisait un jour qu'un des guerriers n'était pas rentré au camp. Ce matin, il n'était toujours pas rentré. Je suis donc partit, avec une patrouille, à sa recherche dans notre territoire."
L'atmosphère se fit plus lourde au fur et à mesure qu'il avançait dans ses paroles. L'anxiété, la peur, la gravité se démarquaient nettement de toutes les autres expressions. Certains étaient déjà au courant, d'autres n'avaient entendu que de vagues rumeurs. Les paroles d'Étoile Damnée cèleraient le sort du guerrier. Elles détruiraient tout espoir possible. C'était fataliste. Mais c'était la vie.
"Nous n'avons retrouvé que des traces de sang, près du Chemin du Tonnerre. Malgré le mauvais temps, l'odeur était encore présente. Nous avons donc pu le reconnaître. Ce sang était celui d'Empereur des Lions."
C'était tombé. Ainsi, le destin d'Empereur des Lions était fermé. Un nouveau coup de poignard lui fit saigner le coeur. Pourtant, il se contenta de passer ses prunelles luisant d'un éclat métallique sur l'assemblée silencieuse.
"Nous n'avons pas retrouvé son corps, mais il est peu probable qu'il aie survécu. Ses proches et ceux qui le veulent veillerons ce soir. Il... ne reviendra pas. Je suis désolé."
Il ne pouvait pas imposer l'idée de la mort plus que probable d'Empereur des Lions à ceux qui ne voulaient l'accepter. Il capta le regard dévasté de la mère de ce dernier, si semblable au sien lorsqu'il avait reconnu l'odeur d'un de ses plus proches guerriers. Un vide s'était creusé dans son coeur, une plaie béante s'était ouverte. Pourtant, il ne pouvait se permettre de paraître faible devant son clan. Il ne pouvait pas. Même s'il aurait voulu.
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